×
Église
Qui sommes-nous
Commissions
Fonds et fondations
Eglise mondiale
Sujets
×
Informations
Actualités
Principes de base
Contact
Service
Monsieur le Président du Synode,
Mesdames et Messieurs les membres du Synode,
Mesdames et Messieurs, chers frères et soeurs,
En adoptant sa nouvelle constitution en 2020, le protestantisme suisse a fait un véritable saut quantique : de Fédération des Églises, il est devenu Église.
L’article premier de la constitution de 2020 dit ceci :
« L’Église évangélique réformée de Suisse (EERS) est la Communion des Églises évangéliques réfor-mées et d’autres Églises protestantes en Suisse. »
Les déléguées et les délégués aux synodes de nos Églises membres posent régulièrement des questions en lien avec ce premier paragraphe de la constitution lorsqu’ils échangent avec les membres de notre Conseil. Quel est le sens d’une Église au niveau national ? Comment comprendre la notion de « communion d’Églises » ? Et quelle est l’articulation avec le vécu ecclésial au niveau cantonal et paroissial ?
L’exigence ecclésiologique instaurée par la constitution n’est-elle pas dangereuse ? Ne postule-t-elle pas une centralisation dont nous ne voulons pas, mettant ainsi en danger l’autonomie des Églises membres ?
Ces questions sont légitimes. Elles sont profondément enracinées dans l’histoire de notre Église, elle-même étroitement liée à l’histoire de notre pays. Elles sont typiques de notre culture fédérale helvétique.
Mais la constitution elle-même contient des réponses intéressantes à ces questions. Plus la période est incertaine, plus nous devrions nous pencher sur notre cahier des charges, sur ce qui est attendu de nous. Aujourd’hui, je vais donc vous présenter quelques-unes de mes réflexions à ce propos.
Être Église au niveau local, cantonal, national et international
La constitution de 2020 de l’EERS définit l’Église sous l’angle dogmatique, éthique et juridique.
Pour le droit civil, la constitution de l’EERS est équivalente à des statuts associatifs. Elle n’en reste pas moins, dans ce sens et au-delà, une constitution ecclésiastique qui fait de notre communauté de foi une Église, de notre communauté d’action une communauté ecclésiale et notre collectivité juridique une association.
L’EERS est ecclésiale
Nous sommes une Église parce que nous savons que nous sommes redevables à un autre que nous-mêmes. Nous sommes engendrés par le Verbe de Dieu, Jésus-Christ, et appelés à oeuvrer au sein de la société et au service de notre prochain, également au niveau national. Nous faisons partie de l’Église universelle et de la communion invisible des saints. L’Esprit nous relie à travers les lieux et les temps. Nous rendons témoignage à Jésus-Christ, notre raison d’exister, tout en sachant que la vérité de laquelle nous vivons nous dépassera toujours.
L’EERS vit en tant que communion d’Églises
Les Églises constituées au niveau cantonal et international (EEM) ont adhéré à la communion d’Églises en 2020 au moment de l’adoption de la nouvelle constitution. Nous entendons le terme communion d’Églises au sens de la Concorde de Leuenberg et nous pouvons ainsi reprendre la définition de Beintker : « communauté de témoignage et de service, fondée sur la Parole et les sacrements, constituée d’Églises juridiquement autonomes (= autocéphales) ».[2] Il ne s’agit donc en aucun cas de niveler l’identité des Églises membres comme certains le redoutent. La constitution rassemble des identités plurielles en une communion d’Églises.
L’EERS, en tant que communion d’Églises, constitue un espace de réalisation
L’EERS a affirmé son identité de communion d’Églises dans sa constitution de 2020. Cependant, cette déclaration n’est encore qu’un accomplissement en germe. À l’image du « oui » prononcé pendant le culte de bénédiction d’alliance. Cette déclaration nous ouvre un espace de réalisation. La constitution de 2020 nous appelle à un processus performatif de fortification et de développement de notre communauté.
Elle est largement ouverte et ses contours restent en partie flous. D’aucuns y voient une faiblesse. Es-sayons d’y voir une chance ! Cette ouverture exige en effet que nous fassions évoluer des structures concrètes et que nous façonnions l’Église. La constitution nous octroie une grande marge de manoeuvre pour atteindre cette fin.
Voilà cinq ans que nous évoluons dans l’espace ouvert par la nouvelle constitution. Permettez-moi d’évoquer à ce stade trois domaines où je considère qu’il existe des opportunités d’exploi-ter cette marge de manoeuvre.
Je reprends les grandes lignes de la carte de Pentecôte que vous avez reçue dernièrement.
Un concert de voix
Notre communion d’Églises vit de sa diversité et des multiples voix qui la composent, que de soit confessionnellement, culturellement, linguistiquement ou historiquement. Cette diversité fait notre richesse.
L’unité évangélique réformée n’est pas synonyme d’uniformité, mais de capacité à agir ensemble au-delà de nos différences. C’est davantage que de la coordination. C’est la concrétisation de la koinōnía. De la communauté. De la vie ecclésiale. C’est la communauté ecclésiale telle que nous la visons.
Chers membres du Synode, ne craignez donc pas pour l’autonomie de vos Églises respectives. La nouvelle constitution en est garante. De nombreux garde-fous sont posés pour empêcher le centralisme et l’abandon de la subsidiarité. Mais partagez notre vigilance : si nous ne sommes pas solides à tous les niveaux – local, cantonal et na-tional – nous risquons de ne plus être pris au sérieux dans notre société médiatisée et numérisée, qui évolue à toute vitesse et est devenue critique à l’égard du religieux.
Faisons donc preuve de courage :
Posons ensemble des actes qui montrent que nous formons un seul corps. Unissons les voix de notre communion d’Églises, formons un grand choeur et éveillons l’attention de la Suisse ! Et laissons-nous imprégner, nous-mêmes et nos membres, de la force et de la grandeur que nous représentons. – Mettons sur pied des campagnes publicitaires communes où nous afficherons publiquement notre unité dans la diversité – Organisons une journée de l’Église pour que les membres de nos paroisses puissent ressentir un peu de la puissance qui nous unit dans notre diversité ! – Aucune paroisse ni aucune Église membre ne peut à elle seule promouvoir des chants nouveaux, porteurs et fédérateur. Notre formidable projet de recueil de cantiques, « Enchanté », ne prendra son envol que si nous nous unissons pour l’utiliser et le propager.
Un seul Esprit
Le 1700e anniversaire du credo de Nicée nous a rappelé un point essentiel : nous ne sommes pas sans confession de foi, mais libres dans notre confession de foi.
Cette liberté nous appelle à confesser notre foi, à réfléchir théologiquement à ce qui nous relie, à ce qui nous porte, à ce que nous croyons, dans un monde qui ne cherche plus à savoir si nous partageons le même credo, mais simplement si nous avons quelque chose à dire et si nous parvenons à donner de l’écho à ce message.
Le Synode, qui rassemble les déléguées et les délégués au Synode, les membres du Conseil et la Présidente, est davantage qu’une assemblée associative. L’EERS assure la direction spirituelle de l’Église. Bien sûr, nous nous occupons de la clé de répartition des contributions, de la diminution des contributions, du règlement des conférences, pour ne citer que quelques dossiers. C’est obligatoire et nous avons acquis une maîtrise certaine de ces sujets. Mais n’y perdons pas notre âme. Car le synode est aussi le lieu du débat théologique, de la quête assidue de la vérité évangélique et de la réflexion sur la manière de partager cette vérité entre nous et avec le monde.
Faisons preuve de courage : que la direction tripartite que nous incarnons ici devienne l’organe de direction spirituelle prévu par la constitution.
Cherchons ici aussi comment rendre témoignage d’une seule voix au Dieu trinitaire. Avec des mots compréhensibles pour notre siècle. Osons entrer dans un processus confessant.
La pénurie pastorale et diaconale met notre ecclésiologie et notre définition du ministère face à de nombreuses interrogations et a déjà donné naissance à plusieurs processus créatifs. Cherchons là encore à comprendre finement l’Église et le ministère, sans vouloir niveler ni harmoniser nos différents processus d’accès, pour pouvoir ensuite mettre la théorie en pratique dans nos Églises respectives.
Honorons la vocation constitutionnelle des synodes de réflexion : faisons-en un lieu où nous pouvons incarner ensemble l’Église, en pensant à aujourd’hui et à demain. Je me réjouis déjà de vivre le synode de réflexion prévu en septembre. Et en toutes choses, mettons notre confiance dans l’Esprit de Pentecôte. L’Esprit de Dieu est la puissance qui surmonte les différences, qui maintient l’unité et qui rassemble sans abolir les singularités.
Une grande espérance
« Être Église ensemble », ce n’est pas un état mais un processus spirituel.
Un processus qui ne va pas de soi. Qui requiert de la confiance mutuelle. Du temps. De la tolérance à la différence et une quête assidue de fiabilité. Mais nous avons déjà pu constater que ce processus était probant. Par exemple lorsque nous avons traité la question du mariage pour toutes et tous. Et aujourd’hui, nous nous apprêtons à vivre à nouveau cette expérience – du moins, c’est ce que je souhaite – au moment où nous approuverons les standards en matière de protection de l’intégrité personnelle.
Lorsque nous agissons de concert, nous montrons que notre constitution est vivante. Qu’elle n’est pas simplement un texte lacunaire. Qu’elle engendre des actes. De la responsabilité. Des signes d’espérance.
Le meilleur reste à venir
Pour conclure, je vous invite à jeter un oeil au livret que vous avez reçu : il commence par le rapport d’activité de 2024 et se termine par des pages vierges.
Ce rapport et ces pages blanches qui n’attendent que d’être remplies sont des signes de notre espérance.
L’espérance que le meilleur reste à venir.
Cette expression n’est pas un signe d’arrogance. Ni l’annonce d’une stratégie garantie que nous serions prêts à dégainer ! Le meilleur reste à venir est une manière de dire la grande espérance qui est notre horizon de conduite en tant qu’Église. Cette espérance nous est offerte par le Christ, qui est à la tête de notre Église. Elle est portée par l’espérance eschatologique vers laquelle nous tendons. Nous attendons le ciel nouveau et la terre nouvelle que Dieu créera et dont nous annonçons l’existence à travers nos actes.
Chers membres du Synode, continuons d’écrire l’histoire qui a commencé à Pentecôte.
Une ligne après l’autre. Une page après l’autre. Dans la confiance. Dans un esprit communautaire. Au nom de Celui qui nous rassemble, qui nous envoie et qui nous porte.[3]
[1] Selon Reuter, Botschaft und Ordnung, 2009. Cf. Hirzel, Zur ekklesiologischen Bedeutung der Bildung der EKS, 2020, p. 60 s.
[2] Beintker, Kirchengemeinschaft aus der Perspektive der GEKE, 2014, p. 71 (souligné dans l’original).
[3] Pour une analyse détaillée de la constitution et de sa genèse, voir : Famos, Kirchengemeinschaft als Gestaltungsraum, in: Beiheft des Jahrbuchs der Schweizerischen Vereinigung für evangelisches Kirchenrecht anlässlich des 75. Geburtstags von Jakob Frey (supplément 8), TVZ, Zürich, 2025 (à paraître en allemand à l’automne 2025).