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Esquisse d’une théologie. Ces ossements peuvent-ils revivre ?

Célèbre théologien américain Robert W. Jenson (1930–2017) livre avec Esquisse d’une théologie un ouvrage très compréhensible et accessible pour toute personne ne s’étant pas encore familiarisée avec les thèmes dogmatiques et souhaitant approfondir sa réflexion sur Dieu et la théologie. 

Présentation générale

A theology in outline. Can these bones live ? est publié en 2016, une année avant le décès de son auteur. La traduction française paraît en 2020 sous le titre Esquisse d’une théologie. Ces ossements peuvent-ils revivre ? L’introduction place cet ouvrage dans son contexte et tempère, ce faisant, les attentes des lecteurices. En effet, il s’agit ici d’une transcription adaptée et retravaillée d’un cours de 2008 que Robert W. Jenson adressait à des étudiant·es de théologie de première année. En cela, ce livre est plus « un échantillon exemplaire de son enseignement » (p.12) qu’un résumé de ses ouvrages. Jenson est entre-autre connu pour son magnum opus en deux volumes Systematic Theology (1997 et 1999) traduit aux éditions de l’Harmattan (2016 et 2019). Esquisse d’une théologie n’est pas à strictement parler un résumé de cette œuvre plus pointue et c’est bien par cela qu’elle se distingue de son parent éloigné.

Le mot « esquisse » désigne ici « un itinéraire pour faire de la théologie » (p.12). Le voyage qui s’en suit emmène ses lecteurices par plusieurs lieux théologiques « classiques », nommément : Israël, Jésus et la résurrection, le Dieu trine, la Création, l’image de Dieu, le péché et le salut, l’Église. Le fil conducteur de la réflexion de Jenson est la question empruntée à Ez 37,3 : ces ossements – c’est-à-dire la théologie – peut-elle revivre ? Pour y répondre, Jenson esquisse une définition de la théologie et de ses enjeux dans le premier chapitre. Ces réflexions préliminaires sont reprises dans le dernier chapitre, et la question conductrice reformulée : « La question pour nous est de savoir si et comment l’Église peut répondre au défi posé à son message par la modernité. » (p.180). Pour Jenson, l’esquisse d’une réponse, peut-être plus qu’une réponse définitive, se trouve dans la prise au sérieux absolue des affirmations de la doctrine chrétienne au lieu d’une compromission, qui découlerait d’un souci d’adaptation (p.183). Ce que cela signifie de prendre le message de l’Évangile absolument au sérieux, Jenson en fait la démonstration dans les différents chapitres.

Cette prise au sérieux absolue résulte en une sorte de « théologie biblique » qui est devenue plutôt rare dans la dogmatique universitaire. Beaucoup de cours de dogmatique commencent par des réflexions sur l’être de Dieu, éventuellement des réflexions sur l’être humain. Jenson commence par Israël, c’est-à-dire qu’il voit le fondement de la réflexion chrétienne de Dieu dans l’alliance entre Israël et YHWH. Cela pose le lien entre les humains et Dieu comme une relation qui s’inscrit dans une histoire particulière, celle d’un peuple et son Dieu. « […] Dieu est si impliqué avec ce peuple, il est si profondément plongé dans une conversation avec lui, que leur histoire est aussi son histoire. » (p.34). A partir de là, Jenson donne aperçu et résumé des différentes théologies du premier testament, comment elles se répondent et commentent l’évolution de cette relation. C’est à partir de cette relation particulière que Jenson en arrive à parler de Jésus Christ et dans le chapitre d’après seulement du Dieu « trine ». L’un des exemples les plus marquants sans doute de cette manière de « prendre au sérieux l’Écriture », est la manière que Jenson a de prendre absolument au sérieux la résurrection corporelle. Toutefois, Jenson prend également le scepticisme très au sérieux. Le corps aurait pu être perdu. Après tout, ce que l’on sait, c’est que le tombeau était vide. Mais : « D’un autre côté, les apparences de résurrection – lors de repas, sur la route, dans une petite réunion de disciples se cachant de la police ­– sont une toute autre affaire. Si vous rencontrez quelqu’un, vous tendez à supposer qu’il est vivant, à moins, bien sûr, que vous soyez superstitieux et que vous vous attendiez à rencontrer des fantômes ou des manifestations ectoplasmiques. » (p.60-61) La conclusion de Jenson : « […] je suis d’avis qu’il est clair qu’il n’y a aucune base susceptible de justifier un déni [sc. de la résurrection]. C’est le point auquel cette nouvelle vous saisit ou non. » (p.61).

Appréciation et lectorat

Il est évident que l’on peut débattre de ce que cela signifie de « prendre au sérieux le message de l’Évangile ». L’approche de Jenson est toutefois une expérience réussie qui se démarque de beaucoup de ses contemporain·es et qui pousse ses lecteurices à la réflexion individuelle. Le contexte de cours universitaire de première année mène à un langage accessible, une présentation intelligible et une concision appréciable (le livre fait moins de 200 pages). Cet ouvrage se prête ainsi à merveille pour un lectorat en dehors des murs universitaires ou, comme les étudiant·es qui ont entendu ce cours, aux théologien·es des premières années d’étude.

Lara A. Kneubühler est doctorante en théologie systématique à l’Université de Berne. Elle se spécialise en dogmatique ainsi que sur la théologie queer/féministe.

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Robert W. Jenson, Esquisse d’une théologie. Ces ossements peuvent-ils revivre ?, Genève, Labor et Fides, 2020.

On trouvera aussi un bref compte rendu de ce livre de la part d’Olivier Pigeaud sur le Blog LibreSens.

 

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Lara Kneubühler

Lara Kneubühler

Doctorante en théologie systématique à l’Université de Berne

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