Le capitalisme vert a-t-il été inventé pour sauver la Planète ou pour sauver le capitalisme ? Ce livre aligne les indicateurs à l’appui de la seconde hypothèse.
Présentation
Dès les années 1990, une élite ultra-riche, détentrice d’industries climaticides, a vu que la dérive environnementale menaçait ses revenus. Elle a donc retroussé ses manches amidonnées et puisé dans ses finances illimitées pour s’immiscer dans l’information scientifique, imposer des calculs de courbes et fonder un nouveau récit environnemental. Avec l’aide d’entreprises de conseil, telle McKinsey, ou de ténors influents, tel Al Gore, cette élite a diffusé ses maîtres-mots au fil des COP (Conférences des Parties) et autres forums de Davos : « engagements volontaires », « flexibilité », « marchés », « acteurs économiques privés ». De sorte que ce n’est plus seulement le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts pour le climat) qui informe les citoyennes et les citoyens.
Désormais, Shell, Microsoft ou BP émettent aussi, en même temps que des mégatonnes de carbone, des conseils avisés.
Dans la série des idées clairement favorables à cette élite – mais très aléatoirement au climat – l’auteur présente le programme REDD (Réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts), dans lequel les entreprises et les gouvernements des pays riches paient les propriétaires ou les habitants des forêts tropicales pour qu’ils protègent ces dernières et évitent ainsi d’émettre des gaz à effet de serre.
A côté du flou qui entoure cette pratique (comment être sûr que telle ou telle parcelle allait vraiment être défrichée sans le mécanisme REDD ? comment est respecté le droit des populations tributaires ? etc.), ce mécanisme permet aux ultra-riches de s’approprier de grands espaces naturels, et même de les valoriser comme le montrent les discours promotionnels du Roi Charles, de Johan Eliasch ou Bill Gates (propriétaires de mégas espaces naturels). Les promoteurs verts se montrent en revanche moins loquaces s’agissant des bunkers luxueux qu’ils se construisent dans des coins reculés du monde, en cas de pépin planétaire.
Le livre montre aussi comment cette élite s’efforce de redessiner les frontières des opinions en reléguant les climatosceptiques et les activistes environnementaux dans une même marge contestatrice du capitalisme vert.
Appréciation
Diplômé en sciences politiques, Edouard Morena apporte de précieuses informations sur l’histoire géopolitique récente des questions environnementales.
Ce qui fait la qualité du livre – la compilation d’événements, de concepts et d’acronymes – rend certes parfois sa lecture un peu fastidieuse, mais renseigne avec précision toute personne qui se demande pourquoi, malgré l’omniprésence des questions environnementales dans les discours publiques, des gens continuent de planter des carottes dans les terrains de golf.
L’intérêt de ce livre pour les croyantes et croyants est qu’il traite de l’éthique de la parole et de l’action. Les ultra-riches propagent des discours propres à repousser l’échéance d’un changement de comportement. Déjà l’auteur des Proverbes avait repéré cette méthode : « L’homme avisé cèle son savoir, le cœur des sots publie sa folie » (12, 23).
Edouard Morena, Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique, Paris, La Découverte, 2023.
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