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Le Christ vert. Itinéraire pour une conversion écologique intégrale 

Face à la crise écologique, Le Christ vert du prêtre et théologien Etienne Grenet invite à un cheminement intérieur et spirituel. À travers l’exemple de Jésus, l’ouvrage explore une écologie intégrale qui réconcilie l’humain avec la création. Ce parcours engage un travail sur soi, une contemplation du Christ, et propose un équilibre entre action, contemplation, et responsabilité envers le vivant. 

Style d’ouvrage 

Le titre le dit bien. Il s’agit d’un cheminement personnel vers un certain type d’écologie. Le Christ est le pédagogue. L’auteur pose un diagnostic fondamental auquel répond le livre : « Les racines de la crise environnementale se situent essentiellement dans le cœur de l’homme. » (p. 13) Ce dernier est en désordre. Pour retrouver une saine relation avec tout le vivant et du coup aussi une vie écoresponsable, le chemin passe par un travail sur soi-même en même temps qu’une contemplation de Jésus en ce qu’il restaure notre être intérieur. Cette démarche mène vers une vie en harmonie avec tout le créé. Se convertir à une écologie intégrale promet une croissance personnelle.  

L’écologie intégrale

Le terme « écologie intégrale » est assez récent. Il apparait dans les années 80, et il est profusément utilisé aujourd’hui par l’Eglise catholique. Cette appropriation le fait tomber parfois dans un conservatisme naturaliste, notamment anti-avortement et critique envers les théories du genre. Positivement il signifie une écologie qui tient compte de tous les aspects, économiques, politiques, sociaux et vie quotidienne, également la foi chrétienne. Le médiatique et excellent philosophe et activiste Dominique Bourg s’en réclame également[1]. L’encyclique catholique Laudato si’ y puise son concept général. C’est aussi pour cela qu’on retrouve facilement l’écologie intégrale dans des publications catholiques. Elle donne l’horizon du Christ Vert.  

La base de l’itinéraire spirituel 

L’auteur nomme quatre obstacles fondamentaux à la transformation concrète de l’humain vers une spiritualité écologique. Ces quatre adversités traversent l’ensemble de la réflexion. Il s’agit de la méconnaissance, qui demande un effort de clarification intellectuelle. Ensuite de l’inertie qui guette l’humain et qui devra l’amener à travailler sur le plan de sa volonté, que l’auteur dit fragilisée. En troisième position vient le découragement et la détérioration de notre conscience sociale, c’est-à-dire la difficulté de croire encore à un changement collectif, l’éclatement du nous. Finalement, le cloisonnement, ce qui s’oppose à l’encontre de ce fameux « tout est lié » de l’encyclique Laudato si’. L’auteur invite à une prise de conscience : l’humain doit évoluer dans ces quatre dimensions. Puis il doit se saisir d’un chemin de guérison pour retrouver sa place et son activité dans les limites de la planète, et vivre harmonieusement son avenir.   

Un détour par les textes bibliques 

L’auteur commente quelques grands textes de l’Ancien Testament. La blessure du départ, le jardin quitté par les premiers humains, les mauvaises herbes (les épines et les chardons) ou encore le déluge et l’année jubilaire. La terre est un lieu d’épreuve pour l’humain, parfois ennemi, parfois allié. C’est assez intéressant de problématiser théologiquement notre rapport à la dureté et la beauté de la terre agricole, terre labourée pour cultiver. L’œuvre restauratrice que Dieu propose prend acte de cette aliénation fondamentale. Et là aussi : prise de conscience et travail sur soi sont les remèdes.  

Se basant sur une conception traditionnelle du péché originel, Grenet souligne que l’humain rate sa vocation, mais il n’est pas sans ressource, car Dieu continue à le solliciter et le tirer hors de ses déséquilibres. Il peut faire mieux, et face à la crise climatique, l’humain doit retrouver sa vocation originelle dans les limites de la nature. Ce rééquilibrage ne se fait ni par une démarche dualiste, ni mécaniste et encore moins de façon panthéiste. Il n’y a de place ni pour le transhumanisme ni pour l’antispécisme. L’auteur trace un chemin très modéré où l’humain retrouvera sa vocation dans des équilibres entre « immanence et transcendance », qui est une juste conscience de soi, entre « cultiver et garder », selon un des récits de la Création, « travailler et se reposer » selon les 10 Commandements.  

Et finalement Jésus : un écolo ou non ? 

C’est la 2è grande partie du livre. Face à tous ces défis de rééquilibrage de la vie, de dépassement des obstacles, de restauration, l’auteur propose l’exemple de Jésus et intitule cette 2è partie « Jésus, un style de vie durable ». Jésus est la réponse aux maux du moment, donc aux défis écologiques. Jésus est « l’écolo intégral par excellence2 ». En puisant dans la nature ses paraboles et en utilisant des images tirées de la création, le maitre de la vie restaurée ouvre l’exemple d’une vie qui sait encore observer le don de la création et s’émerveiller. Jésus s’inspire aussi des Psaumes qui sont, certains au moins, une liturgie de la beauté de la création. Ce moment contemplatif et d’étonnement devant la création invite à ressentir l’unité de tout. Et cet élan doit aussi être réflexif, intelligent. Derrière les pages de ce livre se cache un certain thomisme. Science et foi s’embrassent, création et créateur s’interpellent et s’aiment.   

Le chapitre qui m’a le plus étonné dans cet ouvrage plutôt spirituel, c’est Jésus dans l’économie. L’auteur fait cette affirmation qu’il n’argumente pas: « L’Evangile montre donc à quel point le travail humanise. S’il est vrai que l’homme achève la création par son travail, il faut dire en retour que l’homme va lui-même vers son propre achèvement par son travail.3 » C’est évidemment un bel horizon, mais la réalité du travail est autre: souffrance, pénibilité, exploitation de l’économie des forces humaines, et tant d’autres maux également. Comment tenir ensemble le poids du travail aliénant et l’affirmation que le travail serait au service de la réalisation de l’humain ? Puis, l’auteur essaye d’expliquer la beauté du projet divin autour de l’économie. Cette beauté est évidemment cassée par la rupture d’une tradition lié au prototype biblique et par une perte de sagesse de celles et ceux qui dirigent l’économie. En particulier la mécanisation du travail qui amène à l’aliénation de l’humain. Il appelle, dans sa vision restauratrice, à ce que le travail contribue à la croissance humaine. Que ceux qui ne jurent que par le PIB puissent l’entendre ! Quelques pages sur la providence, d’autres sur la gratuité et évidemment sur la tension dans les paraboles de Jésus entre richesse et pauvreté complètent cette réflexion originale. 

Dans cette réflexion sur le Jésus écolo, l’auteur pénètre dans le mystère du corps physique comme révélation divine, en particulier dans l’eucharistie qui atteste de l’importance des « choses naturelles » pour la vie spirituelle.  

Le livre se termine avec quelques fiches avec des QR codes pour organiser des parcours d’écologie intégrale en groupe. 

A recommander ? 

Ce n’est pas le premier livre que j’offrirais pour approfondir une vision chrétienne de l’écologie. Mais si on a du temps de lire plusieurs ouvrages, celui-ci est original et s’avance sur des terrains peu explorés. Il fourmille de pistes. C’est à mon avis sa force. A vouloir être « intégral », toucher à tous les domaines de la vie, ce foisonnement épuise. On ressent un manque d’approfondissement. Dans un groupe de partage, cela peut suffire pour donner de l’information et ouvrir des réflexions. Dans la recherche d’une lecture exigeante sur le lien entre écologie et christianisme, il faudrait piocher ailleurs ou attendre une future christologie verte. 

Etienne Grenet, Le Christ vert. Itinéraire pour une conversion écologique intégrale, Artège le Sénevé, Paris, 2021

[1] Par exemple : Christian Arnsperger (Auteur) Dominique Bourg (Auteur), Ecologie intégrale, Pour une société permacirculaire, PUF, 2017. Il a aussi postfacé le Manifeste pour une écologie intégrale de Delphine Batho, ancienne ministre française de l’Ecologie, 2019.

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Martin Burkhard est pasteur réformé dans la paroisse de La Veveyse (canton de Fribourg)

 

 

 

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Martin Burkhard

Martin Burkhard

Pasteur dans la paroisse de Châtel-St-Denis (Fribourg)

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