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Les Églises restent-elles silencieuses face aux conflits qui ravagent notre monde ? Cet article explore les enjeux d’une prise de parole des Églises dans l’espace public, entre éthique de l’action, discernement théologique et mission. À partir d’exemples historiques et actuels, il interroge les formes possibles d’un engagement fidèle à l’Évangile, lucide face aux violences, et porteur d’espérance.
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Quel est « le positionnement actuel – ou peut-être surtout le silence – des Églises face aux guerres qui déchirent actuellement le monde ». Silence impuissant ? Silence complice ? Silence prudent ? Silence du sage ? Silence de l’intriguant ?
Face à l’actualité, cette question m’a rappelé le titre d’un ouvrage, déjà daté de la philosophe Nathalie Narbel : Un ouragan de prudence. Les Églises protestantes vaudoises et les réfugiés victimes du nazisme (1933-1949) (Labor et Fides, 2003). Une étude historique sur l’attitude ambivalente des Églises vaudoises par rapport aux violences commises par le régime national-socialiste à l’égard des juifs et d’autres populations. Une situation qui résonne fortement avec l’actualité. Le Temps titrait au 12 février de cette année : Les Églises suisses restent réservées face au conflit à Gaza. Alors que des voix chrétiennes palestiniennes dénoncent le silence des Églises occidentales sur la guerre à Gaza, les institutions réformées de Suisse romande communiquent très prudemment, malgré des demandes répétées des paroissiens (un article de l’agence de presse Protestinfo).
La question du silence des Églises face à la guerre joue au fond sur deux plans : 1) celui de la théologie publique, c’est-à-dire : la participation des Églises à la formation de la société via leurs actions et leurs interventions dans le débat public ; 2) celui de l’éthique, car il s’agit d’orienter l’action dans l’ambivalence du réel. Deux niveaux affines, mais qui n’impliquent pas tout à fait le même effort de discernement, ni le même type de débat : au niveau éthique le débat portera essentiellement sur la guerre et la réponse qu’il faut lui donner ; mais situé dans le cadre d’une théologie publique ce sont aussi les différentes conceptions de l’Église et de sa mission qui entreront en conflit au moment où il s’agira de discerner sa parole et son action à l’égard de la guerre. La question implique pour ainsi dire un paramètre supplémentaire à celui du discernement éthique – ce qui augmente la complexité dont la réponse doit tenir compte. Avant même de pouvoir donner une réponse de registre éthique, il faudrait déjà avoir une perception clarifiée de cette situation et de sa complexité.
Dans cet article je m’attache à développer une perception œcuménique de cet enjeu[1]. Je souhaite identifier une carte du positionnement des Églises par rapport à la guerre. Dans un premier temps je restitue brièvement de quoi nous parlons lorsque nous parlons de « guerre » dans le contexte actuel. Dans un second temps je répertorie le type d’action que les Églises entreprennent par rapport à la guerre. Dans un troisième temps je décline les positionnements des Églises face à la réalité de la guerre. Dans un dernier temps je vais indiquer les nœuds que les Églises doivent assumer dans leur action à l’égard de la guerre, ainsi que quelques thèses qui pourraient les orienter dans ce contexte.
La guerre est un fait de violence inter-humaine. Mais toute violence inter-humaine ne relève pas tout de suite de la guerre. D’après l’historien David Cumin, « cinq éléments sont constitutifs [de la guerre] : hostilité, coercition, force armées, combats, victimes » Cumin 20202 (12) – à quoi il faudrait rajouter une composante collective : nul ne fait la guerre tout seul. Chaque belligérant s’inscrit dans un complexe d’alliances qu’il sollicite dans le cadre du conflit. Ces éléments nous permettent déjà une première identification, mais ne donnent pas encore toute la densité du phénomène, notamment sa dimension politique et culturelle.
La compréhension moderne-occidentale de la guerre est marquée par ce dicton du théoricien militaire Carl von Clausewitz (1780-1831) : « La guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens ». En plus d’être un conflit violent entre deux adversaires qui se reconnaissent comme ennemis, la guerre est comprise comme un moyen en vue d’une fin. Elle a une fonction politique. Certains la considère comme une institution sociale et anthropologique : elle est une manière d’être humain (Pierre Clastres). À cela s’ajoute une perspective critique : toute approche de la « guerre » est tributaire d’un discours qui en structure la perception, ce qui signifie que l’identification de la « guerre » se module en fonction du contexte culturel et social. Par exemple, ce n’est que récemment que l’histoire de la guerre prend en compte la particularité des conflits en contexte colonial et ne se limite pas uniquement à la perspective occidentale.
Le cadre d’analyse et de réflexion contemporain autour de la guerre se fait donc suivant des paramètres situés qui sont importants à rappeler, avant de se pencher plus spécifiquement sur le positionnement des Églises par rapport à la guerre. Je veux en rappeler deux principales : la construction de la guerre comme un phénomène empirique et l’encadrement de la guerre par le droit international onusien. J’y ajouteraient quelques commentaires supplémentaires.
La « guerre » au sens strict ne désigne aujourd’hui qu’un type de conflit armé parmi d’autres. La recherche contemporaine autour de la guerre distingue entre différents types de conflits armés : 1) les conflits armés qui implique au moins un État (state-based conflicts) ; 2) les conflits armés qui n’impliquent pas d’État (non-state conflict) ; 3) la violence exercée par un État ou un groupe armé à l’égard de la population civile (one-sided violence). Il y a guerre à proprement parler lorsque le conflit a lieu entre États et que plus de 1000 personnes décèdent au combat lors d’une année de conflit[2]. Cette typologie est importante, notamment en ce qu’elle élargit le spectre d’analyse des conflits par-delà les seuls acteurs étatiques. Elle permet également tenir compte d’une pluralité de perspectives belligérantes, ainsi que de différencier les échelles de conflit. Par la référence empirique, elle offre un cadre d’interprétation qui permet d’introduire un écart entre le discours sur la guerre et les narratifs portés par ses acteurs. Elle invite donc à un usage plus précis du terme « guerre », qui vient contrebalancer son investissement rhétorique et métaphorique – par exemple lorsque l’on parle de « guerres économiques » ou de « guerres culturelles ».
D’autre part elle s’aligne sur le lexique du droit international, qui sur la base des Conventions de Genève de 1949 et leur protocoles additionnels ont établis l’usage de la notion de « conflits armés » et non de « guerre »[3]. Ces textes posent un critère objectif, en ce que la reconnaissance d’un conflit est indépendante de la « déclaration de guerre » qui pourrait être émise par un État (« hautes parties contractantes ») à l’encontre d’un autre (cf. art. 2). La réalité de l’usage de la force d’un État envers un autre État suffit pour reconnaître l’existence d’un conflit armé international. Les protocoles additionnels augmentent le champ couvert par la notion de « conflit armé international » en l’élargissant aux luttes de libération coloniale, la lutte contre les régimes racistes et la résistance contre l’occupation (GPI art. 1.4). Le conflit non international pour sa part recouvre les autres types de conflits qui peuvent ou non impliquer un État (cf. art. 3 des Conventions de Genève).
Cette tentative d’affiner la perception empirique des conflits armés suppose la distinction entre population civile et forces armées, essentielle pour le droit international contemporain. Cette distinction suppose en fait la porosité entre ces deux catégories de population : c’est parce que durant la modernité on assiste à une massification des forces armées et à une militarisation accrue de la population civile que l’on a dû penser et accentuer la différence entre ces populations, notamment via la formulation progressive du droit humanitaire international[4].
Il est important de rappeler le cadre juridique qui conditionne le discours actuel autour de la guerre. Dans le cadre onusien la « guerre » au sens stricte est déclarée illégale[5]. La Charte des Nations Unies (1945) Interdit le recours à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un État (art. 2. a. 4), sauf en cas de légitime défense (art. 51) ou sous l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU (art. 42). L’ONU peut disposer de forces armées pour des opérations de maintien de la paix (casques bleus – engagés sur 11 missions en 2025) et elle a reconnu en 2005 les principes de la Responsabilité de Protéger. Ces principes articulent les conditions de légitimité d’une intervention armée de l’ONU à l’encontre d’un État souverain et vient préciser ce que l’on traitait auparavant sous le titre de l’intervention humanitaire. Ce principe a été appliqué en 2011 en Lybie et en Côte d’Ivoire. Il est toutefois sujet à de nombreuses controverses[6]. Le Droit humanitaire international réglemente les actions à l’égard des soldats et des civils (Conventions de Genève 1949 et protocoles additionnels 1977), ainsi que les méthodes licites dans le cadre d’un conflit (Convention de La Haye 1899 et 1907). Les conflits entre États membres de l’ONU sont jugés devant la Cours de Justice Internationale (fondée en 1945). Avec l’adoption des Statuts de Rome (1998) et la fondation de la Cours Pénale Internationale, l’ONU s’est dotée d’une instance qui permet la poursuite pénale d’individu au nom du crime de Guerre, du crime contre l’humanité ou du génocide.
Quelques facteurs supplémentaires peuvent être évoqué concernant le développement actuel des conflits armés : 1) le caractère chronique des tensions au sein des membres permanents Conseil de Sécurité de l’ONU ; 2) la perception de plus en plus vive des différents héritages coloniaux, des pratiques coloniales actuelles et du poids de ces dernières dans les relations internationales ; 3) l’humanisation de la guerre opérée par le droit humanitaire international et l’action de nombreuses ONG ; 4) les déplacements de population, la rarification et l’accès à de nouvelles ressources amenées par le changement climatique. Outre ces points, il convient de noter que les conflits sont toujours imbriqués avec les développements technologiques, des tensions économiques, politiques et sociales, le contrôle des ressources et donc d’un territoire.
Pour finir ce tour d’horizon, qu’en est-il finalement des conflits armés en cours et qui vont vraisemblablement se développer ces prochaines années ? La base de données sur les conflits armés (Armed Conflict Location & Event Data) prévoit une dizaine de cas particulièrement critiques[7] : Ukraine, Israël/Palestine, Régions des grands lacs, Iran et ses alliés, Colombie, Soudan, Mexique, Pakistan, Sahel, Myanmar. Notons qu’ici l’on ne peut parler de guerre au sens stricte – impliquant deux États – que pour la situation en Ukraine et éventuellement pour la situation en Israël-Palestine, suivant le statut que l’on reconnaît au Hamas. Les conséquences de ces conflits se mesurent notamment dans les déplacements de population qu’ils entraînent. Le Hauts Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés signale une augmentation constante du nombre de réfugié depuis 12 ans, avec 122,6 millions de personnes déplacées de force par-delà le monde en juillet 2024[8].
Voici donc quelques lignes de départ au sujet de la « guerre » comme réalité que les Églises peuvent adresser par leur action et leur parole. À partir de cette esquisse, une première question se pose aux Églises : au moment de thématiser la « guerre » dans quelle mesure s’en tiennent-elles aux usages que je viens d’indiquer ? Car s’il s’agit d’aborder la « guerre » au sens strict, le nombre de situation qu’elles vont adresser est en fait très restreint. Actuellement seul le conflit entre la fédération de Russie et l’Ukraine relève de la guerre en ce sens restreint, ce qui inviterait à un usage beaucoup plus contrôlé du lexique de la « guerre » et à privilégier celui plus policé et rhétoriquement moins impactant du « conflit armé » ou de la « violence armée ».
En même temps, face à l’urgence générées par la violence armée, les mots employés pour la décrire et la nommer paraissent bien triviaux – ce qui vaut pour les parlements, les cours internationales et les laboratoires de recherche ne vaut pas dans la même mesure face aux tirs de drones et à l’absence de nourriture et d’eau. Parler de « guerre » permet peut-être d’ouvrir un espace discursif balisé sur ce qui l’excède en matière de souffrance infligée et subie.
Comme cela a été dit d’entrée de jeu : les termes utilisées contribuent à former la perception d’une situation. Les différents acteurs d’Église gagnent à l’avoir à l’esprit au moment de prendre part au discours autour de la « guerre ».
Pour cette partie, je vais intentionnellement élargir la réflexion par rapport au conflit inter-étatique pour décrire les possibilités d’actions des Églises dans le cadre de conflits armés[9]. Je propose 5 catégories possibles pour l’action des Églises à l’égard de la guerre. a) engagement humanitaire et l’entraide ; b) prière et l’action symbolique ; c) facilitation et médiation ; d) réflexion doctrinale ; e) influence politique et sociale. Pour chacune de ces catégories je vais donner quelques exemples illustratifs.
Les Églises peuvent agir dans le registre de l’action humanitaire. C’est peut-être la modalité d’action qui nous est le plus connue en Suisse, via nos œuvres d’entraide et de charité. L’EPER et Caritas suisse fournissent une aide d’urgence auprès des populations déplacées par le conflit en Ukraine même ainsi qu’aux réfugiés ukrainiens en Suisse. Elles s’inscrivent dans une histoire de l’action humanitaire qui a des racines profondes dans le christianisme du 19e siècle.
Cette forme d’action pose évidemment la question de la sélection des zones d’engagement et des lieux que l’on soutient. De plus, ces formes d’actions passent par l’épreuve des mêmes critiques que celles adressées à l’action humanitaire en général : instrumentalisation politique de l’aide humanitaire ; d’effets pervers sur le terrain du conflit (renforcement du conflit, dépendance des populations, etc.) ; coordination déficiente et marchandification de l’humanitaire (compétition) ; mise en danger des personnes engagées ; tensions sur le plan culturel et éthique ; inefficacité et échec systémique de l’aide humanitaire ; dépendance à l’égard de financements externes (instabilité).
La prière et l’action symbolique, notamment rituelle, ont une place importante dans la pratique ecclésiale. Elles offrent un type de réponse au conflit qui permettent un décalage. Le rite et la prière donnent à vivre et à éprouver un monde différent de celui que nous éprouvons au quotidien. Ils offrent un décalage à même le réel commun, ouvre une différence au sein du réel tel qu’expérimenté ordinairement[10].
Ce registre est évidemment profondément ambivalent : il va de la prière pour la paix (célébration de la CTEC le 22 février 2023 à Berne, événement lors de la journée internationale pour la paix, diverses occasions[11]) à la prédication qui encourage à la guerre (les exemples sont nombreux durant la première guerre mondiale)[12] et à la bénédiction d’armes (contexte orthodoxe russe, Église de l’unification/Secte Moon).
Les Églises peuvent se positionner comme des facilitatrices dans le conflit, ou tout du moins à certain niveaux. C’est le cas de manière classique du mouvement catholique-romain Sant’Egidio, actif depuis la fin des années 80 dans différents configurations conflictuelles[13]. Le Conseil Œcuménique des Églises joue par exemple également un rôle de plateforme et de médiation au niveau ecclésial dans le cadre du conflit entre l’Ukraine et la Fédération de Russie. Cette médiation a son importance dans la mesure où la dimension religieuse joue un rôle important dans la motivation au conflit du côté Russe. Cette volonté de tenir une position de médiation a d’ailleurs value d’importantes critiques au COE de la part de certaines de ses Églises membres[14].
Les Églises ont également une longue histoire de réflexion doctrinale au sujet de la guerre. Dans un premier temps la réflexion portait surtout sur la possibilité pour le chrétien d’être soldat, ou non – s’il pouvait consentir à cette fonction, ou devait s’y opposer, même au prix de sa vie[15]. La réflexion chrétienne sur ce sujet a eu des effets jusque dans le droit moderne, autour de la thématique de l’objection de conscience et de la mise en place d’un service civil, en alternative d’un service militaire.
La tension entre la promesse eschatologique de la paix donnée en Jésus-Christ et la réalité effective de la guerre a généré une réflexion doctrinale importante : quel statut faut-il reconnaître à la guerre, alors que dans les béatitudes Jésus affirme « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu ! » (Mt 5,6) et qu’en Christ on reconnaît qu’il a été mis un terme à l’hostilité (Eph 2,16) ? Comment concilier le commandement de l’amour de l’ennemi avec une perspective vétérotestamentaire où la guerre est presque omniprésente et parfois le fait de Dieu lui-même ? Ces questions gagnent en force alors que c’est progressivement développé la conviction que l’humanité pourrait concrètement mettre un terme à la guerre, comme l’a notamment pensé Kant avec son essai sur la paix perpétuelle (1795).
Face à ces enjeux, les traditions doctrinales chrétiennes ont contribué en occident au développement d’un discours éthique autour de la guerre et de la paix juste. La poursuite de ce travail réflexif fait partie de l’action des Églises par rapport aux conflits armés, que ce soit par des publications[16] ou l’organisation de conférence – à l’exemple de celle organisée récemment par la Conférence Femme et genre de l’EERS « Visions féministes de la paix ».
L’Église peut aussi se profiler comme un lieu d’influence parmi d’autres au sein de la société. On peut distinguer différentes manières pour les Églises de se profiler sur ce terrain de l’action politique.
Il y a une d’une part les prises de positions dans la sphère publique. Régulièrement des Églises ou organisations affiliées s’expriment dans la sphère publique pour dénoncer ou soutenir une partie dans un conflit. Selon les contextes, ces positionnements sont d’ailleurs attendus – notamment là où les Églises sont perçues comme l’aiguillon moral de la société, dans le registre de ce qu’on appelle le ministère prophétique de l’Église.
Il y a d’autre part les actions militantes. Des groupes de chrétiens peuvent se rassembler dans la rue au nom d’une cause donnée, en cherchant à faire pression sur l’opinion publique et les décideurs – à l’exemple du Mouvement chrétien pour la paix, initié en 1923, marqué par des idées socialistes.
Il y a finalement tout ce qui relève du lobbying. Les Églises, notamment par l’intermédiaire de certaines personnalités, think-tank ou autre, interviennent comme des groupes de pressions et d’influence sur la politique étatique – et donc sur les politiques liées aux conflits armés[17]. L’initiative Pathways to Peace porté par la Conférence des Églises européennes (CEC) est un exemple d’action en faveur des Églises en Ukraine et d’une paix juste, faisant la promotion de ces enjeux au niveau européen.
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Examiner le silence ou la parole des Églises à l’égard de la guerre, ou des conflits armés de manière générale, impliquerait d’entrer dans une analyse fine et comparative de la manière dont les Églises agissent, ou non, au-travers des différents canaux que je viens d’indiquer.
D’une part, les conflits armés sont aujourd’hui déterminés globalement. Ils s’inscrivent dans un réseau juridique et organisationnel mis en place par les Nations Unies et sont en grande partie déterminées par ce réseau. En même temps, ils agissent en retour sur ce réseau, dictant une partie de son évolution à venir. Les Églises n’échappent pas à ce réseau et à ses déterminations. L’appréciation de l’action ecclésiale dans le cadre d’un conflit devrait donc toujours adopter une perspective systémique.
D’autre part, il me semble nécessaire d’acter que nous sommes tributaires d’une partialité indépassable dans la perception des conflits contemporains. Les débats publics desquels nous participons, individuellement ou comme acteurs ecclésiaux, ne traitent jamais de l’ensemble des conflits en cours. Ce n’est pas différent à l’échelle des organisations internationales dont nous participons. Malgré notre participation d’un réseau global, nous n’avons toujours qu’une vision partielle et sélective des conflits. Même en ayant en étant informés des conflits contemporains et en disposant d’analyses soigneuses à l’échelle mondiale, nos priorisations ne sont et seront jamais égalitaires. Et notre empathie non plus. Cela signifie aussi en retour que toute prise de position à l’égard d’un conflit particulier accentue l’occultation d’autres violences et d’autres urgences.
Les différents types d’action que je viens de parcourir suppose également une certain positionnement par rapport aux conflits armés. En effet : de quelle position va-t-on faire de lobbysme ? À quelle conception du conflit s’articule l’engagement humanitaire ? Dans ce qui suit je vais proposer une typologie des positionnements possibles par rapport au conflit armé. Cette typologie me permettra également de situer certains acteurs ecclésiaux contemporains[18].
Pour conserver une certaine simplicité à la présentation, nous pouvons situer les différents types de positionnement par rapport à deux pôles : un pacifisme chrétien d’un côté et un bellicisme théologisé de l’autre. Entre ces deux pôles nous trouverons différentes manières de positionner un discours ecclésial par rapport à l’usage de la force armée et à ses légitimations.
La position du pacifisme chrétien est simple : toute action violente contre autrui est refusée au chrétien. Le Christ règne par la Parole et non par le glaive. Il commande l’amour de l’ennemi, convoque l’éthique à sa limite « si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tend la joue gauche » (Mt 5,39). Lors de la réforme, c’est cette radicalité qui caractérise les mouvements anabaptistes, qui refusent de faire appel à la justice ou de servir comme magistrats (Confession de Schleitheim art. 6) – une radicalité qui trouve des racines dans le christianisme antique. Ce sont ces communautés et mouvements pacifistes (mennonites, quacker, les premiers mouvements pentecôtistes) qui ont œuvré à l’établissement du droit à l’objection de conscience, corrélé au développement d’un service civil alternatif au service militaire.
En régime de Chrétienté le pacifisme a toujours été une position marginale et minoritaire. Durant le 20e siècle, il gagne toutefois en popularité suite au succès d’actions non-violentes, notamment la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. L’opposition à la guerre au Vietnam, le contexte de la décolonisation, ainsi que la lutte pour le désarmement nucléaire, ou la recherche d’une fin paisible à la guerre froide, ont mené à ce qu’une perspective pacifiste gagne en légitimité également dans d’autres familles ecclésiales (protestantes, catholiques, orthodoxes) et prenne une place centrale dans le mouvement œcuménique.
Cette perspective semble au bénéfice d’une certaine évidence biblique néotestamentaire et correspond à la morale dominante des sociétés occidentales. Il faut toutefois indiquer ses limites. Si la posture pacifique a toute sa légitimité dans le registre de la suivance, elle ne peut être généralisée et donc adoptée comme doctrine pour l’action politique, notamment par un État qui a la responsabilité de la sécurité et de la protection de ses citoyens. Le pacifisme chrétien radical touche à ses limites dans le monde de l’État de droit.
À l’opposé du pacifisme nous trouverons les Églises et théologies qui légitiment le conflit armé comme tâche ordonnée par Dieu. Aussi impopulaire que puisse paraître cette position, il faut souligner qu’elle a caractérisé une bonne partie de l’histoire de la Chrétienté – déjà lorsque Eusèbe de Césarée déclame que Dieu a fait vaincre Constantin au Pont Milvius, comparant la défaite de Maxence à la débâcle des Égyptiens lors du passage de la mer Rouge (Histoire Ecclésiastique, Livre IX, 9). Lors de la première guerre mondiale, bon nombre de prédications protestantes dépeignaient un Christ virile et belliqueux, le soldat manifestant la gloire de Dieu dans le combat pour sa patrie[19]. Plutôt que le sermon sur la montagne, on lira alors les récits de conquêtes de la terre promise (Josué) et on convoquera les victoires que Dieu assure à son peuple.
La sanctification théologique de la violence armée est loin d’être un phénomène marginal. Lors de sa dernière assemblée, le conseil mondial du peuple Russe, sous la présidence du patriarche Cyrille de Moscou, a publié un décret, daté du 18 avril 2024, qui déclare le caractère « sacré » des interventions militaires menées en Ukraine, au nom de l’espace spirituel et de la mission propre au « monde Russe » (§ 1). Cette perspective contredit tant la position officielle du patriarcat au sein du COE, que la doctrine sociale du patriarcat (2000). Elle est toutefois caractéristique du développement des relations Églises-État en Russie.
On verra une expression belliciste analogue du côté des Etats-Unis, où les efforts militaires à l’étranger ont été longtemps soutenus par l’affirmation d’une destinée manifeste de la nation – l’idée que les Etats-Unis seraient porteurs d’une mission civilisatrice, ordonnée par Dieu dans sa providence. C’est une idée inhérente au nationalisme états-uniens, qui se rattache à une forme de millénarisme et à une perspective d’expansion de la démocratie et des droits humains[20]. Le soutien de la droite chrétienne à la guerre en Irak sous l’administration de Georges W. Busch Jr. ainsi que le soutien inconditionnel à la politique israélienne s’inscrivent dans la suite de cette idéologie.
Notons également que la théologie de la libération en Amérique du Sud a également pu être mobilisée pour justifier des insurrections armées, comme cela a été le cas dans les années 1960 en Colombie, à la suite de la figure du prêtre révolutionnaire Camilo Torres (1929-1966).
Dans ces différents exemples, la violence armée n’est jamais justifiée pour elle-même, mais est toujours conçue comme un moyen pour un but supérieur, symbolisé en définitive par la valeur supérieure de la « paix ».
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Un point rapproche la posture pacifique et belliciste : leur rapport au droit. La sacralisation de la violence propre à ces postures bellicistes place l’usage de la violence au-dessus du droit institué, tout comme le pacifisme radical place le renoncement à toute forme de violence au-dessus de ce même droit. Dans les deux cas, la légitimation théologique renvoie à un régime normatif d’une autre nature que celui qui a cours dans les relations ordinaires. Même si ces positions s’opposent radicalement dans leur appréciation du statut moral de la violence elles se retrouvent dans la manière de se rapporter au régime juridique institué. La légitimation théologique performe des états d’exception (C. Schmitt) : elle le crée en revendiquant l’autorité de Dieu. C’est par rapport à ces deux ordres que l’on peut distinguer les deux autres positions que je souhaite encore décliner.
Dans cette perspective, le conflit armé est compris comme un cas limite de l’ordre moral courant. La violence armée est un mal qui doit être évité par tous les moyens possibles. Elle peut toutefois se révéler avoir une forme de légitimité dans certains cas, notamment lors de la légitime défense ou lorsque l’ordre institué se révèle si injuste que la seule issue envisagée passe par le recours aux armes. C’est ainsi que le Catéchisme de l’Église catholique romaine légitime la guerre défensive (§ 2309) et que la Constitution Pastorale Gaudium et Spes justifie (prudemment) l’insurrection (§ 74.5). Ces deux cas limités sont toutefois relativisés par rapport à ordre moral dicté par la loi naturelle. Ainsi : « L’Église et la raison humaine déclarent la validité permanente de la loi morale durant les conflits armés. » (Catéchisme § 2312). C’est à partir de cette perspective que peuvent alors être formulés les critères traditionnels dits « de la guerre juste ».
On voit une disposition analogue dans le contexte orthodoxe : le conflit armé y est compris comme le symptôme de la maladie spirituelle plus profonde qu’est le péché : il relève d’un mésusage de la liberté. Il ne saurait donc, en principe, jamais être justifié pour lui-même et implique dans tous les cas une thérapeutique spirituelle. Ainsi, le Grand Concile panorthodoxe convoqué à Chypre en 2016 déclare « L’Église du Christ, considérant principalement que la guerre est issue du mal et du péché dans le monde, encourage toute initiative et effort pour prévenir ou empêcher la guerre par le dialogue et tout autre moyen approprié. Au cas où la guerre deviendrait inévitable, l’Église continue de prier et de prendre soin pastoralement de ses enfants qui sont impliqués dans les conflits armés pour défendre leur vie et leur liberté, déployant tout effort pour le rétablissement le plus rapide possible de la paix. » (Grand Concile D § 2, 2016)
Dans ces deux cas, nous trouvons une disposition où l’Église se fait la voix d’un ordre moral supérieur à celui de l’ordre posé par la force des États. C’est une disposition classique dans le monde latin depuis sa formalisation par Augustin dans la Cité de Dieu, mais que l’on trouve aussi dans d’autres formes dans le monde orthodoxe[21].
La spécificité de la posture défendue ici, est que l’Église dispose, d’une manière ou d’une autre, de la connaissance de l’ordre moral supérieur et de son interprétation adéquate. À partir de cette connaissance, l’Église a pour tâche d’orienter l’action des États, en leur rappelant notamment les exigences morales desquelles ils doivent répondre. On en trouve une belle illustration dans la doctrine sociale de l’Église orthodoxe Russe : « l’Église se préoccupe particulièrement des armées, les éduquant dans un esprit de fidélité à un idéal moral supérieur. » (2000, § 8.4) La nuance avec la position belliciste est la suivante : en principe la violence armée ne peut être un bien, ni invoquée comme un moyen légitime pour résoudre un conflit. S’il y a des situations où l’usage de la violence armé peut être justifié, ce n’est qu’au regard de l’impasse totale dans laquelle les acteurs se situent.
Il faut indiquer les tensions de cette posture régulatrice. Même si l’Église considère le conflit armé comme un mal qui ne devrait pas arriver et qu’il faut prévenir par tous les moyens à disposition, la formulation des critères de la guerre juste sert in fine de levier de légitimation pour l’entrée en conflit, ce qui permet notamment de transgresser les dispositions légales en place, lorsque le respect de la loi morale le demande. Autrement dit, cette perspective ouvre elle aussi la possibilité de l’état d’exception et aux dérives qui le caractérise. C’est notamment pour cela que la doctrine de la guerre juste a subi une critique importante au sein de la théologie et de l’Église, à l’exemple de celle formulée par le pape François à l’égard de la doctrine de l’Église catholique romaine dans l’encyclique Fratelli Tuti (2020) : au vu des capacités de destruction acquises par l’être humain, et de l’instrumentalisation récurrente de la doctrine de la guerre juste pour des conflits injustes, « nous ne pouvons plus penser à la guerre comme une solution » (§ 258).
En décalage de cette perspective s’est développé dans le protestantisme luthéro-réformé germanophone une éthique de la paix juste qui a voulu prendre ses distances à l’égard de toute justification de la violence armée dans le cadre des conflits inter-étatiques. Comme l’annonce de manière programmatique le COE en 1948 lors de sa première assemblée générale : « La guerre est contraire à la volonté de Dieu ». Affirmation réitérée à Karlsruhe en 2022 : « La guerre est incompatible avec la nature même de Dieu ». Il ne peut donc y avoir de justification de la guerre : celle-ci ne peut jamais être un moyen pour une fin donnée. Cette perspective intègre en ce sens des impulsions du pacifisme chrétien. Mais elle ne va pas jusqu’au point de refuser tout usage de la violence : l’Église dans son positionnement éthique doit tenir compte du mal qui attaque les conditions d’une vie humaine possible dans un monde marqué par le péché et hanté par l’appel à la justice. Il s’agit donc d’articuler une orientation quant à la réponse à donner à ce mal, ou plus directement, de ne pas détacher l’éthique de la politique.
Une de ces réponses peut effectivement être l’action non-violente et le martyr qui en découle. Mais l’exigence d’une éthique qui veut garder le lien avec la politique implique d’articuler une réflexion sur le droit comme seule instance qui permette un usage légitime de la violence[22]. Plutôt que de faire appel à un ordre moral distinct de l’ordre normatif immanent, l’enjeu est ici de soutenir l’instauration d’un cadre juridique qui vise à garantir une paix relative, aiguillonnée par l’appel à la justice. Cela ne signifie pas la fin de toute violence, mais son endiguement d’une part (position protestante classique, articulée dans la théorie du premier usage de la Loi) et d’autre part un engagement actif pour une transformation des causes des conflits et l’instauration d’une paix juste. Durant le 20e siècle, cette position éthique a pu s’appuyer sur l’événement historique de la refondation du droit international dans le cadre onusien, lequel exclut d’office la guerre comme un moyen légitime pour résoudre les conflits entre États membres des Nations Unies. Dans ce cadre la guerre, entant que conflit armé interétatique, relève essentiellement d’un crime qui doit être jugé par une cours compétente. L’instauration de la paix ne doit pas passer par la violence armée, mais par un travail de prévention des conflits, par le renforcement de la coopération internationale, l’aide au développement, les processus de réconciliation, la régulation du commerce des armes, etc. L’usage de la force armée ne peut que viser le maintien et le rétablissement de la paix, la légitimité de cet usage et sa portée étant mesurée à l’aune du droit international fondé sur la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948.
Cette perspective a trouvé une formulation exemplaire dans le memorandum publié en 2007 par l’Église Protestante en Allemagne et qui marque les débats autour de l’éthique de la guerre/de la paix dans l’espace germanophone[23] : « Dans le contexte actuel du droit international, une autorisation légale de moyens de coercition militaires n’est envisageable que comme une sorte d’action de police internationale selon les règles de la Charte des Nations unies, car les Nations unies sont la seule organisation internationale qui, de par la teneur des normes qu’elle défend et des membres qui la compose, a vocation à être universelle.» (70) Cette conception n’annule pas la nécessité d’un discernement éthique : l’usage de la force armée impliquée par le droit à la légitime défense (Charte art. 51) et par les garanties portées à l’égard du droit de chaque personne à la vie, la liberté et la sûreté (DUDH art. 3) doit pouvoir être mis en œuvre. Les critères traditionnels formulée dans la doctrine de la guerre juste trouvent ici leur nouveau contexte d’application.
L’enjeu central de cette position ecclésiale à l’égard de la guerre est qu’elle refuse d’argumenter à partir d’une perspective détachée du développement immanent du droit. À partir de la paix donnée en Jésus-Christ (Éphésiens 2,14), il est possible d’agir dans le monde en vue de cette même paix, celle-ci devant encore advenir dans sa plénitude. Dans une perspective théologique, la paix est un don qui engage et forme l’action. Bien qu’aucune règle ne puisse garantir cette paix, pour la foi il est possible de s’engager sur une voie qui l’espère. C’est ici qu’intervient le droit comme moyen immanent, constamment réformable, pour l’action collective à l’horizon de cette paix espérée. Dans la perspective ecclésiale, l’advenue de la paix sur le chemin du droit relève de la promesse et du risque, non du fait accompli[24]. Le droit à lui seul ne garantit jamais la paix.
Cette perspective empêche toute légitimation religieuse, ou sacralisation, des moyens de coercition. Elle encourage d’une part à une désidéologisation du discours autour des conflits armés, tout en mettant l’emphase sur les conditions d’une vie commune possible dans un monde marqué par la violence. Elle évite une la moralisation de la violence qui caractérise les positions que j’ai exposé au point précédent. Elle se paie toutefois d’une fragilité et d’une ambivalence troublante, que nous pouvons observer dans le traitement actuel du droit international au sein de l’ONU. La guerre menée par la Russie en Ukraine manifeste une crise du paradigme de l’éthique de la paix juste promue par les Églises protestantes en Allemagne : le débat autour de la livraison d’armes à l’Ukraine a dévoilé la fragilité d’un paradigme véhiculé depuis les années 1980[25].
Quelle réponse donner à la guerre lorsque le droit institué révèle son impuissance ? Confrontée à sa limite, la perspective d’une éthique de la paix juste est renvoyée à la problématique de la vulnérabilité humaine, du besoin de sécurité qui en jaillit et de la réponse à lui donner[26]. L’idéal régulateur de la paix juste doit se confronter aux enjeux matériels du déploiement sécuritaire contemporain et aux décisions que celui-ci implique, réouvrant le dossier de la légitimation des conflits et de la dissuasion comme mécanisme de prévention des conflits[27].
Le panorama que je viens de décliner se refuse à dire quelle est la bonne position. J’ai voulu être descriptif. Mais je ne veux pas complètement échapper à la question normative : quelle devrait être la position ecclésiale ? Dans ce qui suit je ne vais pas proposer un développement exhaustif – ce serait le sujet d’un autre article – mais indiquer quelques points qui me semblent pouvoir offrir une orientation dans le discernement d’une telle position.
Toute tentative d’articuler un positionnement ecclésial face à la « guerre » doit se confronter à une série de nœuds qui structurent le champ du discernement éthique à entreprendre. Il me semble important d’en relever quatre :
A Le rapport chrétien à la légitimation de la violence est ambivalent. L’expérience chrétienne initiale est celle d’une minorité persécutée, promouvant une attitude pacifiste. Entre temps nous avons connu un christianisme en position de majorité et/ou de pouvoir qui a dû se confronter à la question du sens et des limites de l’usage de la violence. Tout positionnement ecclésial contemporain hérite de ces deux possibilités qui inscrivent dans sa grammaire tant la possibilité d’une dissidence que celle d’une responsabilité à l’égard de ce qui, à un moment donné, est identifié comme bien commun dans l’ordre politico-juridique.
B Ce nœud est le corolaire doctrinal de l’expérience formulée au point précédent. La foi reconnaît la légitimité de l’usage de la violence par l’autorité civile (magistrat), dans la mesure où elle est au service du bien commun – ce qui s’exprime notamment dans le maintien d’un cadre de vie qui assure une sécurité relative aux citoyen·nne·s. Si l’autorité civile fait toutefois un usage illégitime de cette violence, il s’agira d’entrer en résistance – on peut aspirer à ce que cette résistance se fasse de manière non-violente, mais on ne peut le décider par avance[28].
C L’écoute de la Parole de Dieu et la suivance du Christ, contiennent un appel au pacifisme, à une non-violence radicale. Réalité de la foi, cet appel ne peut toutefois être édicté comme une règle générale qui s’impose à tous citoyen en dépit de la foi personnelle. Si l’Église a bien quelque chose à dire au sujet de la paix de Dieu donnée en Jésus-Christ et que ce qui est dit de cette paix est adressé à la création dans son ensemble, elle ne peut en faire le contenu d’une forme de droit naturel, commun à toute personne, indépendamment de sa singularité. Cette paix relève uniquement du règne de la grâce de Dieu.
D Ce dernier point porte plutôt sur la théologie publique. La perspective ecclésiologique (protestante), préserve un écart entre ce qui relève de l’engagement personnel à la suite de la Parole et la prise de position d’organisations ecclésiales (système présbytéro-synodal) dans le champ du débat public. Le maintien de cet écart fait qu’une représentativité complète et totale de la décision éthique-politique n’est jamais possible au sein de l’Église. L’articulation du positionnement est toujours différenciée, même là où il existe un cadre doctrinal commun. En même temps, l’Église reste responsable du témoignage qu’elle rend à l’Évangile – la vérité du témoignage porté par les différentes personnes qui se trouvent rassemblées dans l’Église du Christ est toujours confrontée par la pluralité des expressions qui s’en revendiquent.
Ainsi, d’un point de vue éthique, toute personne qui tente d’articuler un positionnement ecclésial par rapport « aux guerres qui déchirent actuellement ce monde » doit se confronter à l’ambivalence héritée des expériences ecclésiales passées en relation avec la légitimation de la violence ; elle est confrontée à l’oscillation entre l’obéissance aux magistrats (Rm 13,1-5) et la résistance à l’égard des normes et injonctions d’un ordre public injuste (Ac 5,29) ; elle peut agir de manière responsable en faveur de la paix dans la confiance portée dans la promesse de la plénitude du don de la paix de Dieu en Jésus-Christ, tout en renonçant à toute forme de maîtrise quant à la réalisation de cet accomplissement ; elle doit assumer la vérité du témoignage rendu à l’Évangile par l’Église, tout en renonçant à toute forme de représentation finie de cette vérité par une organisation ecclésiale.
En tenant compte des nœuds que je viens d’évoquer, j’aimerais conclure avec une thèse principale et trois sous-thèses concernant une prise de position des Églises à l’égard de la réalité des conflits armés :
§ L’Église est l’espace-temps d’une rencontre, entre le Dieu qui est amour et l’humanité qu’il aime dans un monde qui se trouve dans l’attente de la venue ultime de Dieu pour le salut de toutes ses créatures. C’est depuis cette rencontre que s’articule un positionnement ecclésial en faveur de la paix.
Le premier point qu’il me semble devoir retenir du panorama parcouru, c’est que la perspective première de l’Église est orientée sur la paix donnée par Dieu. Sur ce point, il ne me semble pas y avoir d’alternative crédible. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas à la manière du monde. Ne soyez pas troublés, ne soyez pas effrayés » (Jn 14,27). La réalité persistante des conflits n’est pas le point depuis lequel l’Église parle et agit. Tout en prenant au sérieux la réalité de ces conflits, le point à partir duquel elle parle est autre. Il est dicté par l’événement d’une rencontre avec Dieu : celle qui, par le don de l’Esprit-Saint, a lieu en Jésus-Christ et où Dieu se dévoile comme amour. Une rencontre dont on peut témoigner dans l’après-coup, mais qui ne se laisse pas prédire et qui ne peut être provoquée.
À cela s’ajoute que cette perspective renonce à effacer l’ambivalence (la pluralité contradictoire) de la parole ecclésiale. Toute tentative de constituer un sujet commun, qui surpasserait les personnalités concrètes au niveau organisationnel-institutionnel, apparaîtra nécessairement comme brisée et de même toute parole ou action qui serait générée à partir de ce lieu. Mais cette perspective ne renonce pas à un témoignage (fragmenté, multiple, contestable) qui prend des formes concrètes, situables dans l’espace et le temps et qui a des effets dans le monde. Un témoignage dont il est possible de faire le récit – et là aussi, de différentes manières, pas toujours conciliables. C’est pour cela qu’il s’agit de penser l’Église comme un « espace-temps » dans lequel il advient quelque chose, plutôt que comme un sujet.
Cette perspective est à déployer en fonction des trois points qui suivent.
a) L’Église déploie un engagement pratique pour la paix qui peut prendre forme au travers de l’engagement humanitaire, du travail de reconstruction et de réconciliation, de l’engagement pour des ordres communs plus justes, la prière et l’aménagement d’espaces de rencontres dans le conflit
Il s’agit là de confirmer ce qui me semble être un acquis de la pratique en faveur de la paix de ces derniers siècles et dont cet article a mentionné quelques exemples. De nombreuses initiatives ont fait leurs preuves et n’ont pas perdu de leur sens face aux conflits actuels – ce qui n’empêche pas de les soumettre à une réflexion critique sur leurs effets.
L’augmentation importante du sentiment d’insécurité, la (re)découverte de la précarité du style de vie occidental, la reprise potentielle de conflits armés entre grandes puissances : tout cela invite à un examen lucide des capacités pacificatrices de nos édifices juridiques, de nos dispositifs sécuritaires et de nos pratiques diplomatiques, et à un examen sans concession de leurs failles. Mais cela ne doit pas masquer les acquis réel d’un engagement actif pour la paix (peacebuilding) tel qu’on le voit dans le développement de la solidarité internationale – il suffit de constater à la rapidité avec laquelle la coopération internationale peut être mobilisée en cas de catastrophe environnementale, à l’exemple des différents séismes qui ont frappé le monde ces dernières années (Turquie et Syrie 2023 ; Myanmar 2025). Un degrés de coordination et d’engagement difficile à imaginer au 19e siècle et au début du 20e.
Une reprise des réflexions sécuritaires aussi nécessaire soit-elle, notamment en matière d’armement, ne doit pas se faire aux prix d’une dévalorisation des pratiques qui se sont développées conjointement avec l’idée directrice d’une paix juste. Celle-ci doit en revanche mieux intégrer le fait d’une violence qui persiste et qui ne peut être résorbée par les réussites d’actions entreprises à l’horizon d’une paix qui échappe en définitive à l’action humaine.
b) Là où le droit est institué, l’Église devrait s’abstenir de toute forme de légitimation de la violence. Là où le droit fait défaut, l’organisation ecclésiale engage son existence par le martyr pour que celui-ci soit instauré.
Il s’agit là de situer les moments d’une parole critique ou prophétique de l’Église à l’égard de la prise en charge de la conflictualité. L’enjeu est d’indiquer les deux impasses d’un positionnement ecclésial par rapport à la violence : (i) un positionnement spiritualiste où l’Église se dissocie de la question du bien commun et de la réponse à donner à la violence qui traverse la société humaine ; (ii) un positionnement souverainiste où l’Église prétend être au bénéfice d’une position qui lui permettrait de donner la norme de la prise en charge de la violence. Ni l’une ni l’autre ne sont des pistes possibles pour l’Église.
Pour l’Église, le droit devrait être reconnu comme le seul lieu d’une prise en charge humaine de la violence – ce qui signifie d’esquisser le statut du droit pour la perspective ecclésiale[29]. Le droit est à comprendre ici comme le fruit précaire d’une rencontre improbable, où des acteurs en conflit ont renoncé à résoudre leur conflit par un usage immédiat de la violence. Le droit peut être compris comme l’institutionnalisation de cette rencontre. Les rapports de force et la violence n’ayant pas disparus avec la rencontre – ce qui se manifeste notamment dans la prise en charge de la violence par l’édifice institutionnalisé du droit lui-même – le droit est toujours sous la menace d’être défait. En même temps, il est la trace d’une promesse : celle que le renoncement à la violence est possible dans une relation conflictuelle.
Face à cette situation, l’Église témoigne du don de la paix de Dieu dans sa rencontre avec sa créature. Ce témoignage ne la place pas au-dessus ou à distance de la rencontre entre ennemis : il ne lui offre pas une position tierce à partir de laquelle elle pourrait arbitrer, ou s’immuniser au conflit. Dans le témoignage face à la violence non-renoncée ou au renoncement de la violence au profit du droit, l’Église n’a pas de carte supplémentaire ou de zone de replis, mais seulement une promesse : celle que Dieu lui-même fera valoir le droit dans le conflit qui l’oppose à sa créature (cf. Esaïe 42,1-4ss.).
c) L’Église découvre le contenu du droit dans l’écoute de la Parole, le Christ vivant, reçu dans la force de l’Esprit-Saint. C’est à partir de cette découverte qu’elle donne forme à son action en faveur de la paix.
Comment la révélation de Dieu en Jésus-Christ se rapporte-t-elle au droit ? En ce qu’elle amène à en redécouvrir toujours à nouveau le contenu. On peut suivre ici le § 61 de la Dogmatique de Karl Barth : « Le droit de Dieu érigé dans la mort de Jésus-Christ et proclamé dans sa résurrection en dépit de l’injustice humaine est, comme tel, le fondement d’un droit nouveau de l’homme, qui lui correspond. Ce droit attribué à l’homme en Jésus-Christ, qui demeure caché en lui et que lui seul révélera un jour, est inaccessible à l’imagination, aux efforts et aux œuvres de quiconque. Mais il est tel en sa réalité qu’il fait appel à la foi, de chaque homme : à la reconnaissance, à la prise de possession et à l’activité qui lui sont déjà conformes ici et maintenant. »[30]
Le droit est le fruit d’une rencontre entre ennemis – le droit de Dieu l’est aussi. Que pour un protestant, l’Église ne puisse aborder la réalité contemporaine des conflits armés que par le prisme de la foi paraîtra une évidence. Que ce prisme coïncide avec celui du droit – c’est-à-dire, dans cette étrange rencontre qui est celle des ennemis – c’est ce que l’Église doit apprendre toujours à nouveau face à la guerre.
Ce texte est la version écrite d’une intervention donnée dans le cadre d’un cycle de conférences œcuméniques sur la thématique « Guerre et paix » co-organisé par la mission catholique de langue française et l’église réformée zürichoise de langue française, le jeudi 13 mars à Zürich.
[1] Pour une perspective plus strictement réformée, on pourra se référer à la position du conseil de l’EERS Ernstfall Frieden (2022) et les différents articles publié à ce sujet sur le blog de l’EERS. Cf. notamment La paix en situation d’urgence (2024), Krieg und Mitgefühl, Die Moral vom richtigen Leben im falschen (2023).
[2] Cette typologie a été mise en place par le programme de recherche sur les conflits de l’université d’Uppsala (Uppsala Conflict Data Program) qui entretient la base de données la plus importante sur la violence organisée. Elle a été constituée à la fin de la guerre froide (40 ans). Je me réfère ici à leur page de définitions : https://www.uu.se/en/department/peace-and-conflict-research/research/ucdp/ucdp-definitions (consulté le 19.02.25)
[3] Le Dictionnaire pratique du droit humanitaire offre des explications claires sur les deux catégories du Conflit armé international et du Conflit armé non international. Bouchet-Saulnier Françoise, Dictionnaire pratique du droit humanitaire, 2015, disponible en ligne http://dictionnaire-droit-humanitaire.org (soutenu par l’ONG Médecins Sans Frontières. Il faut peut-être rappeler ici que l’enjeu principal des Conventions de Genève est de poser les conditions d’entrée en vigueur d’un droit humanitaire : il s’agit moins d’articuler la possibilité d’une légifération entre belligérants que de créer les conditions d’une action humanitaire possible en situation de conflit armé.
[4] Ouverture », Bruno Cabanes (dir.) Une histoire de la guerre. Du XIXesiècle à nos jours, Paris, Points, 2021, p. 18
[5] Pour le cadre, cf. Jean-Marie Bernard, « Interdire la guerre, construire la paix. Valeurs de référence de la communauté internationale », in Frédéric Rognon (dir.) Dire la Guerre, penser la Paix. Actes du colloque international de Strasbourg 14-16 mai 2012, Labor et Fides, 2014, pp. 353-361.
[6] Pour une présentation générale, cf. Jean-Marie Bernard, « La responsabilité de protéger. Instrument de paix, arme de guerre ? », in Frédéric Rognon (dir.) Dire la Guerre, penser la Paix. Actes du colloque international de Strasbourg 14-16 mai 2012, Labor et Fides, 2014, pp. 362-371. Pour une discussion critique, cf. Robin Dunford et Michael Neu, Just war and the Responsibility to Protect : A Critique, Londre, Zed Books, 2019. Pour une introduction à la discussion autour de l’intervention humanitaire, cf. Vérnoique Zanetti, L’intervention humanitaire. Droit des individus, de voir des États, Genève, Labor et Fides, 2008.
[7] Voir le rapport pour l’année 2025 : https://acleddata.com/conflict-watchlist-2025/ (consulté le 19.02.2025)
[8] Cf. https://www.unhcr.org/fr/en-bref/qui-nous-sommes/apercu-statistique (consulté le 19.02.2025)
[9] Dans ce qui suit, lorsque je parle d’Église, je parle d’organisations ecclésiales, ce qui peut se rapporter tant à des Églises établies, qu’à des organisations transversales ou à des réseaux de personnes. L’ecclésialité de ces acteurs vient de ce qu’ils s’affirment solidaires d’une perspective ecclésiale rattachée au christianisme, à ses institutions et traditions en un sens général.
[10] Une action à penser dans le registre ce que Pierre Gisel thématise à la suite de Michel de Certeau sous le nom d’hétérotopies. Pierre Gisel, Par-delà les replis communautaristes. Retours sur le religieux, le commun et le politique, Paris, Hermann, 2023, pp. 37-42.159-164.
[11] https://www.rtn.ch/rtn/Actualite/Suisse/A-Lucerne-catholiques-et-reformes-prient-pour-la-paix-en-Ukraine.html.
[12] Pour quelques exemples, voir Matthieu Arnold, « ‘Je ne suis pas venu pour apporter la paix…’ L’image et le message de Jésus-Christ dans les prédications de guerre, 1914-1918 », in Frédéric Rognon (dir.) Dire la Guerre, penser la Paix. Actes du colloque international de Strasbourg 14-16 mai 2012, Labor et Fides, 2014, pp. 215-235.
[13] Cf. Marie Balas, Les médiations internationales de la Communauté de Sant’Egidio : histoire, ressources, limites, Observatoire international du religieux, 2017 https://obsreligion.cnrs.fr/note/les-mediations-internationales-de-la-communaute-de-santegidio-histoire-ressources-limites/.
[14] Lors de son synode d’été 2022, l’Église évangélique réformée de Suisse s’est prononcé pour une suspension de l’Église Orthodoxe Russe du COE, ce qui remettait en question les ambitions de celui-ci en termes de médiation. Cf. https://www.reformes.ch/eglises/2022/06/les-reformes-ne-veulent-plus-de-kirill-eers-ukraine-eglise-orthodoxe-russe-russie.
[15] Voir notamment Valerie A. Karras, « ‘Their Hands are note Clean’ Origen and the Cappadocians on War and Military Service » Perry T. Hamalis & Valerie A. Karras (éds.), Orthodox Christian Perspecties on War, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2018, pp. 125-158
[16] Cf. notamment les différents articles de Frank Mathwig sur le blog de l’EERS : la paix en situation d’urgence ; instaurer la paix – juste un vœux pieux ; l’urgence de la paix ; l’éthique de la paix de l’EKD, Aus Gottes Frieden leben – für gerechten Freiden sorgen, 2007 ; Semegnish Asfaw, Alexios Chehadeh et Marian Gh. Simion, Just Peace : Orthodox Perspectives, Genève, WCC Publications, 2012.
[17] On dispose d’études importantes sur ce lobbysme pour ce qui concerne des mouvements conservateurs et réactionnaires. Cf. Kristina Stoeckl and Dmitry Uzlaner, The Moralist international. Russia in the Global Culture Wars, Fordham University Press, 2022 ; Gagné, A. (2020). Ces évangéliques derrière Trump. Hégémonie, démonologie et fin du monde. Labor et Fides ; Gonzalez, P. (2014). Que ton règne vienne. Des évangéliques tentés par le pouvoir absolu. Labor et Fides ; Sébastien Fath, « Les Églises évangéliques américaines et la guerre au Moyen-Orient », Les Champs de Mars, vol. 26 (1), pp. 108-122, DOI : https://doi.org/10.3917/lcdm2.026.0108. Les études sur le rôle et l’impact des mouvements pacifistes contemporains me paraissent plus rares et se rapporter à des réalités plus anciennes. Voir p. ex. Olivier Prat, Internationalisme et pacifisme chrétiens en France et en Allemagne (1919-1933), Presses universitaires de Rennes, 2012. Michel Lafouasse, « Être artisan de paix aujourd’hui. Le travail de pax Christi – France » in Frédéric Rognon (dir.) Dire la Guerre, penser la Paix. Actes du colloque international de Strasbourg 14-16 mai 2012, Labor et Fides, 2014, pp. 280-295.
[18] Cette approche me semble offrir plus de clarté qu’un prisme confessionnel : dans une branche du christianisme on pourra trouver en effet plusieurs types de positionnements possibles.
[19] Pour quelques exemples, voir Matthieu Arnold, « ‘Je ne suis pas venu pour apporter la paix…’ L’image et le message de Jésus-Christ dans les prédications de guerre, 1914-1918 », in Frédéric Rognon (dir.) Dire la Guerre, penser la Paix. Actes du colloque international de Strasbourg 14-16 mai 2012, Labor et Fides, 2014, pp. 215-235 ; voir aussi Laurent Gambarotto, Foi et patrie. La prédication protestante en France pendant la première guerre mondiale, Labor et Fides, 1996 ; Wilhelm Pressel, Die Kriegspredigt 1914-1918 in der evangelischen Kirche Deutschlands, Vandenhoeck & Ruprecht, 1967.
[20] Sur le rôle de cette idée et sur les relations entre religion et politique aux USA en général, cf. Andrew Preston, Sword of the Spirit, Shield of Faith. Religion in American War and Diplomacy, Anchor, 2012.
[21] Cf. Alexandros K. Kyrou & Elizabeth H. Prodromou « Debates on just war, holy war and peace. Orthodox Christian Thought and Byzantine Imperial Attitudes toward War » Perry T. Hamalis & Valerie A. Karras (éds.), Orthodox Christian Perspecties on War, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2018, pp. 215-248.
[22] L’éthique de la paix juste se rattache donc ici aux perspective de I. Kant développé dans son essai Vers la paix perpétuelle, publié en 1795. Cf. Hans-Richard Reuter, Recht und Frieden. Beiträge zur politischen Ethik, Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt, 2013, pp. 74-78.
[23] Cf. EKD, Aus Gottes Frieden leben – für gerechten Frieden Sorgen, 2007 (online) ; Wolfgang Huber « De la guerre juste à la paix juste. À propos du développement de l’éthique de la paix dans le protestantisme » in Frédéric Rognon (dir.) Dire la Guerre, penser la Paix. Actes du colloque international de Strasbourg 14-16 mai 2012, Labor et Fides, 2014, pp. 200-214. La littérature germanophone à ce sujet est abondante. Je me permets ici de renvoyer à une petite sélection : Wolfgang Huber & Hans-Richard Reuter, Friedensethik, Stuttgart, W. Kohlhammer, 1990 ; Ines-Jacqueline Werkner & Klaus Ebeling (éds.), Handbuch Friedensethik, Wiesbaden, Springer, 2017 ; Kirchenamt der EKD (éd.), Auf dem Weg zu einer Kirche der Gerechtigkeit und des Friedens. Ein friedenstheologisches Lesebuch, Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt, 2019.
[24] Je reprends ici des intuitions développées par Eric Fuchs et Pierre-André Stucki dans leur livre commun Au nom de l’Autre. Essai sur le fondement des droits de l’homme, Labor et Fides, 1985, pp. 101-167. Ces idées demanderaient à être rediscutée et reformulée de manière critique aujourd’hui.
[25] Voir notamment Ulrich H. J. Körtner, « Evangelische Friedensethik auf dem Prüfstand. Friedensethische Konsequenzen aus dem Ukrainekrieg », Theologische Literaturzeitung, vol. 148 (9), 2023, pp. 795-808 ; voir aussi le dossier « Streit um Frieden », Zeitzeichen, vol. 23 (5), 2022, pp. 20-39.
[26] Voir sur ce point le texte de Frank Mathwig, « In der Welt habt ihr Angst, aber… ». Freiheit und Sicherheit aus theologisch-ethischer Perspektive, Blog der Evangelisch-reformierten Kirche Schweiz, https://www.eks-eers.ch/blogpost/in-der-welt-habt-ihr-angst-aber/.
[27] En ce sens, voir le texte du conseil de la communion des Églises Protestantes d’Europe : « Neue Erwägungen zum Begriff ‘Rechtmässig Kriege führen’ » (2006) in Michael Bünker, Frank-Dieter Fischbach & Dieter Heidtmann (éds.), Evangelisch in Europa. Sozialethische Beiträge, Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt, 2013, pp. 355-367.
[28] Sur ces enjeux, cf. François Vouga, Politique du nouveau testament. Leçons contemporaines, Labor et Fides, 2008 ; Eric Fuchs & Christian Grappe, Le droit de résister. Le protestantisme face au pouvoir, Labor et Fides, 1990.
[29] Ce qui suit donne quelques orientations générales et devrait être développé de manière plus approfondie au contact des discussions sur une théologie du droit. Voir notamment Cf. Hans-Richard Reuter, Rechtsethik in theologischer Perspektive. Studien zur Grundlegung und Konkretion, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus, 1996, pp. 93-120.
[30] Karl Barth, Dogmatique, Genève, Labor et Fides, vol. 18 (IV/1**), 1966, p. 170. Voir la relecture critique dans Reuter Rechtsethik in theologischer Perspektive, pp. 44-70
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