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Sur l’espérance

Parler sur l’espérance (et non pas de) à partir de la littérature contemporaine non-chrétienne. Un thème central et souvent travaillé en théologie chrétienne, abordé dans cet ouvrage de Janique Perrin par un angle bien différent et original.

Présentation de l’autrice

Janique Perrin est docteure en théologie, pasteure dans les Églises réformées de Berne-Jura-Soleure. Avant la théologie, elle a étudié les Lettres. Le présent ouvrage est le remaniement de sa thèse de doctorat en théologie, soutenue à l’Université de Genève en 2020.

Théologie et littérature

Janique Perrin pose d’emblée le point de départ de sa recherche : une intuition. Une expérience personnelle, à la suite de la lecture du livre de Philippe Lançon, Le lambeau(2018), qu’elle a voulu travailler théologiquement.

Une question qu’elle pose résume à mon sens assez bien cette intuition et la recherche qui en découlera : « Le langage littérature parvient-il à exprimer ce que la théologie veut dire ? » (p.78)

Selon elle, l’espérance n’est pas que l’apanage de la théologie : elle n’est pas seulement présente dans la littérature proprement chrétienne, mais peut jaillir aussi de toute littérature, même celle qui ne parle pas explicitement d’espérance.

Le texte « augmenté »

Pour démontrer son intuition, Janique Perrin analyse des œuvres littéraires, ce qui lui permet de démontrer le concept de texte « augmenté ». A partir de deux romans et d’un texte biblique (Le patient anglais de Michael Ondaatje [1992], le récit de la guérison de l’homme possédé dans l’Évangile de Marc 5,1-20 et Non ti muovere de Margaret Manzzantini [2008]), elle montre comment le style (syntaxe et sémantique notamment) de ces écrits vient apporter au lecteur et à la lectrice une autre dimension, un « surplus de vie » (reprenant ainsi les mots de Paul Ricoeur), un autre regard non seulement sur l’histoire lue, mais aussi et surtout sur leur propre réalité. Se vit alors une sorte d’événement mystique qui conduit à la « transcendance » et qui ouvre une nouvelle voie, qui semblait justement impossible au vue de l’ampleur de la souffrance : grâce à l’imagination, l’espérance fait irruption dans la réalité de la personne qui lit.

Appropriation de l’expérience de l’espérance

Après avoir analysé ce qu’elle identifie comme les deux premiers mouvements, à savoir la réception et l’élévation, Janique Perrin revient à la théologie pour traiter de l’appropriation de cette expérience de l’espérance.

Passant par Kathryn Tanner et son eschatologie pour un monde sans avenir, ainsi que par Jürgen Moltmann, Dietrich Bonhoeffer, Paul Ricoeur et d’autres, l’autrice traite de la question de la temporalité de l’espérance et de l’eschatologie. Elle démontre que l’expérience de l’espérance dans la littérature ne s’arrête pas à ce moment vécu, mais qu’elle ouvre sur une éthique, un agir concret pour la personne qui l’a vécue.

Un dernier chapitre permet de revenir à l’espérance chrétienne et à sa spécificité : sa relation au Christ, au Christ crucifié et ressuscité. Par le condensé théologique « Christ notre espérance » (1 Tim 1,1-2), elle revient sur le lien indissociable entre souffrance et espérance. Car c’est de la souffrance humaine, conscience de ses limites et de sa finitude, que naît l’espérance, tant dans les œuvres littéraires que dans les récits bibliques. Une espérance qui, sans le Christ, reste comme suspendue, alors que, par le Christ, par l’incarnation de Dieu dans le monde, elle se vit en relation.

Appréciation et lectorat

La lecture de cet ouvrage m’a beaucoup rejointe, non seulement par intérêt sur les questions d’espérance, et d’espérance dans le quotidien de nos vies, mais également parce que j’y ai trouvé des explicitations théologiques d’expériences que j’ai effectivement vécues à travers des lectures.

J’ai trouvé la lecture fluide et agréable, à mon sens accessible à un public intéressé par ce qui touche à l’espérance, et tout de même quelque peu initié aux notions théologiques et littéraires (à noter que la lecture des ouvrages travaillés par l’autrice n’est pas nécessaire à la compréhension du propos). Le travail de remaniement de thèse, que l’on devine bien plus approfondie et longue, est remarquable, et même si par moment j’aurais souhaité plus d’approfondissement (notamment sur la notion de « faiblesse du temps », choisi comme sous-titre, dont j’ai eu de la peine à vraiment saisir la portée), j’en suis ressortie enrichie de nouvelles clefs de compréhension théologique, littéraire et humaine.

Janique Perrin, Sur l’espérance. La faiblesse du temps, Labor et Fides, 2021.

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Alice Corbaz est pasteure dans l’Église réformée en suisse romande et prépare un doctorat en théologie systématique à l’université de Genève

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Alice Corbaz

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Alice Corbaz est pasteure dans l’Église réformée en suisse romande et prépare un doctorat en théologie systématique à l’université de Genève

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