Entre intégration et retour

La matinée s’est déroulée en collaboration avec l’Association musulmane de Berne. L’imam Mustafa Memeti a conduit les responsables de la migration à la mosquée de la Maison des religions. Après que tous aient pris place en cercle sur la moquette rouge et moelleuse, il s’est présenté et a parlé des besoins et des défis de sa communauté. Né dans une famille conservatrice, l’imam Mustafa Memeti dirige aujourd’hui la mosquée de la Maison des religions à Berne, une mosquée d’orientation si libérale qu’elle se heurte, selon ses propres dires, à la résistance des associations islamiques faîtières qui lui refusent leur adhésion. Ainsi, la prière effectuée à la mosquée de Berne n’est pas reconnue dans toute la Suisse, comme l’a décidé un juriste dans une fatwa*.

Lors de l’entretien avec l’imam Mustafa Memeti, il apparaît clairement que les lieux de prière, l’enseignement religieux pour les enfants et les jeunes ainsi que la reconnaissance ou l’égalité de traitement des communautés religieuses islamiques font toujours partie des principaux besoins. Les tensions internes aux musulmans sont toutefois particulièrement visibles lors de cette matinée. La grande hétérogénéité de la communauté, qui se manifeste par l’origine et les différentes croyances, rend le dialogue difficile. C’est pourquoi Mustafa Memeti demande un « dialogue constructif » à l’extérieur comme à l’intérieur.

Après la pause de midi au restaurant Vanakam sur place, Rubin Gjeci, aumônier musulman auprès du service d’aumônerie pour requérants d’asile à Berne, a parlé de son travail au centre de retour de Berne-Brünnen et de ce qui motive les personnes qui y travaillent. Rubin Gjeci est l’un des cinq aumôniers travaillant dans les centres cantonaux de retour du canton de Berne. « L’aumônerie signifie être là », explique-t-il. Cela signifie être à l’écoute des demandes les plus diverses et assister les demandeurs d’asile déboutés dans des tâches apparemment quotidiennes. Il s’agit notamment de lire et de rédiger des lettres, d’aider à trouver des solutions lorsque l’on est confronté à des amendes et soutenir l’obtention de billets de transports publics.

Même si la vie et le travail au centre de retour ne sont pas toujours faciles, il y a toujours des moments agréables et réjouissants. Ce sont souvent des choses apparemment petites qui réjouissent les requérants d’asile : un café en commun, une promenade, une nouvelle réjouissante de la famille ou tout simplement le fait de pouvoir parler avec quelqu’un dans sa propre langue.

La visite suivante au centre de retour de Berne-Brünnen a constitué une expérience particulière. Au moment de la visite, le lieu hébergeait environ 45 jeunes hommes, souvent psychologiquement atteints selon Rubin Gjeci, qui doivent quitter le pays suite à une décision d’asile négative ou qui doivent retourner dans le pays de la première demande d’asile dans le cadre des accords Dublin. Le trajet en tram de l’Europaplatz au terminus de Berne-Brünnen et le quart d’heure de marche supplémentaire jusqu’au centre ont ajouté une composante tangible à l’exclusion (même si ce centre est comparativement très accessible).

Le directeur du centre, Alain Willi, a fait visiter aux responsables de la migration l’installation souterraine de protection civile, peu équipée, appartenant au grand distributeur Coop, et leur a ainsi permis de se faire une idée de la réalité de vie, en grande partie cachée, des personnes ayant reçu une décision d’asile négative : l’entrée dans le centre se fait par l’ancienne cellule de décontamination, qui sert aujourd’hui d’installation d’hygiène. En outre, on y trouve deux dortoirs, une cuisine avec une poignée de fourneaux, un espace de séjour avec des tables et des chaises pour manger et un autre avec un canapé et une télévision. Les bureaux des collaborateurs, de l’aumônier ainsi que la salle de traitement de l’infirmière se trouvent également dans l’installation souterraine. La salle de sport, où se trouvaient quelques vélos ainsi qu’une table de ping-pong, venait d’être utilisée pour la distribution de dons alimentaires.

« Grâce au contrat entre le canton et l’Eglise concernant l’aumônerie, un accompagnement psychologique à bas seuil est possible pour les personnes victimes ».
~Alain Willi~

De retour à la Maison des religions, l’intervention de Claudia Ransberger, responsable du secteur Aide d’urgence et retour au Service des migrations du canton de Berne MIDI, a complété le programme en abordant les conditions-cadres de la politique de retour, la marge de manœuvre du Secrétariat d’État aux migrations SEM et le rôle des Églises.

Dans l’ensemble, nous avons passé une journée informative et inspirante, ponctuée d’entretiens précieux avec des acteurs des communautés religieuses, de l’État et de la société, engagés chacun à leur manière dans un domaine situé entre l’intégration et le retour.